Les options ne manquent pas si vous désirez perfectionner votre français par l’entremise de la musique. Vous trouverez au sein des chansons de Félix Leclerc, une fenêtre sur le Québec des années 70 ainsi que sur ses espoirs indépendantistes, notamment lors de l’écoute du morceau Le tour de l’île, chanson culte reprise par le chanteur de Karkwa, Louis-Jean Cormier. La pièce est avant tout une ode à la nature ainsi qu’une déclaration d’amour au Québec. Territoire édénique, où « Des enfants blonds / Nourris d’azur / Comme des anges jouent à la guerre », cette chanson évoque un Québec sur le point de se séparer du Canada et de devenir un pays à part entière. Leclerc fait le parallèle, au fil des accords, entre la France et l’Île d’Orléans, ce « berceau » du Québec. Le message du chanteur ne laisse place à aucune ambiguïté : le Québec, à l’image de la France, est ici érigé au rang de pays.
Plusieurs créateurs partageront cette conviction, comme l’illustre la chanson Il me reste un pays (1973) du géant de la chanson québécoise, Gilles Vigneault : « Il me reste un pays à te dire / Il me reste un pays à nommer / Il est au tréfonds de toi »… Vigneault, tout au long de sa carrière, fera vivre son amour de la patrie par l’entremise de textes remplis de poésie et de lyrisme. Certaines œuvres, comme La Manikoutai (1963), plongent l’auditoire au cœur même du territoire québécois et son climat ponctué d’hivers longs et éprouvants. La Manikoutai met en scène une rivière fictive du Québec dont on ne sait si elle est femme ou eau, et qui voit défiler les saisons et les trappeurs, à la fois envoûtante et dangereuse.
Le thème de la nature, par sa beauté et sa grandeur, en inspirera plus d’un, tel qu’en témoigne la chanson Vert du groupe Harmonium :
Vert, jaune et rouge et bleu
J’ai le soleil dans les yeux
Avant d’nous faire ses adieux
J’sais pas lequel de nous deux
Qui va baisser les yeux
Vient de commencer à descendre
Avant d’se rendre il va nous montrer ses couleurs
Comme s’il avait eu peur
Il est allé rougir ailleurs
[…]
Gris autour et noir au loin
La forêt me rejoint
Pareil au jeu d’un magicien
La forêt me retient […]
« Vert », Si on avait besoin d’une cinquième saison, Harmonium, 1975
Le groupe, qui a connu un succès considérable durant les années 70, se démarque par son originalité, tant à l’ambition musicale qu’aux textes et mélodies. En témoigne L’Heptade, œuvre mythique dans l’histoire de la musique du Québec. L’album-concept suit les périples d’un personnage fictif qui chemine à travers sept niveaux de conscience, passant du « fou » pour progresser jusqu’au « sage ». C’est la profondeur de sa démarche ainsi que l’audace musicale qui vaudront à Harmonium un succès inespéré aux États-Unis. Les chansons du groupe captivent l’auditoire américain, malgré des paroles en français. C’est une victoire sans précédent pour la chanson francophone du Québec. Le gérant du groupe de l’époque, Paul Dupont-Hébert, explique en ces termes l’engouement pour Harmonium aux États-Unis : « À Toronto et ailleurs, les gens sont parfois déçus… parce qu’ils ne comprennent pas tous les mots. Mais les émotions et les vibrations passent. Moi-même, je ne connais pas les mots par cœur. Je n’écoute pas les mots, c’est l’atmosphère qui m’intéresse. » Le caractère universel d’Harmonium passe avant tout par des mélodies qui reposent sur l’introspection et la spiritualité et traduisent une sensibilité à fleur de peau.
Or, lorsqu’il s’agit de parler de sentiments, et plus précisément de sentiments amoureux, c’est du côté de Jean-Pierre Ferland qu’il faut se tourner. La fameuse chanson T’es mon amour, t’es ma maîtresse (1974), interprétée en duo avec Ginette Reno, nous plonge dans l’intimité fictive de deux amants qui se déclarent, tour à tour, un amour complice et passionné. Jean-Pierre Ferland, chanteur romantique par excellence, est un incontournable de la chanson québécoise qui charme par la simplicité ainsi que la sincérité de ses textes :
T’es mon amour, t’es ma maîtresse , Jean-Pierre Ferland, 1974